Un legs opportun pour le CegeSoma : la Bibliothèque Lydia Chagoll
Un legs opportun pour le CegeSoma : la bibliothèque de Lydia Chagoll … Sous ce titre, nous vous invitons à découvrir le quatrième thème de notre série ‘les rendez-vous du bibliothécaire’. Chaque thème repris sera l’occasion de vous plonger dans nos collections et sera illustré par une vidéo et un texte complétant les informations s’y trouvant.
Visionnez la quatrième vidéo ‘Les rendez-vous du bibliothécaire : 4. La bibliothèque 'Lydia Chagoll' rejoint les collections du CegeSoma'.
Grâce à l’entremise de la Fondation Roi Baudouin, le CegeSoma a eu au début de cette année la bonne fortune d’intégrer dans ses collections la bibliothèque de Mme Lydia Chagoll.
Le nom de cette personne n’est assurément pas inconnu des chercheurs en histoire qui se penchent sur la Seconde Guerre mondiale et plus particulièrement sur les génocides du XXème siècle, dont le massacre des Tsiganes: Lydia Chagoll (née en 1931 à Voorburg (Pays-Bas) – décédée en 2020 à Overijse) n’a-t-elle pas consacré au destin tragique de ceux-ci une de ses dernières publications Tsiganes sous la croix gammée (2009), après avoir témoigné par l’écrit d’Une enfance dans les camps japonais (2002), qui est sans doute son ouvrage le plus connu, avec Hiro-Hito, empereur du Japon : un criminel de guerre oublié ? (1983). Mais Lydia Chagoll ne s’est pas limitée à des travaux d’écriture, au contraire.
Née aux Pays-Bas dans une famille judéo-néerlandaise et tôt immigrée en Belgique, cette fille d’un journaliste antifasciste a suivi à partir de mai ’40 les tribulations des siens, d’exil en exil, jusqu’aux Indes-orientales néerlandaises. Ses parents croyaient trouver là un point de chute favorable, loin d’une Europe sous la botte des nazis. Pas de chance : quelques mois après leur arrivée, cette opulente colonie néerlandaise est envahie par l’empire japonais, et la famille se retrouve expédiée dans un camp de concentration nippon. Elle va connaître un régime carcéral éprouvant, tapissé d’humiliations : la jeune Lydia en sera marquée à jamais, mais elle puisera dans cette expérience sa force de vivre comme son attachement à l’enfance malheureuse et son intérêt pour toutes les minorités persécutées.
Libérée en octobre 1945 et de retour en Belgique, cette polyglotte passionnée deviendra successivement, de 1948 à 1973, ballerine, chorégraphe (elle a étudié l’art de la danse à Paris) et professeure de danse classique après avoir fondé en 1960 sa propre compagnie de ballet et… avoir obtenu un certificat de langue germanique à la section néerlandaise de l’U.L.B.
A partir des années ’70, sous l’influence de son compagnon, le réalisateur Frans Buyens (1924-2004), elle se fait cinéaste et scénariste, réalisant entre autres, en 1977, le documentaire bien connu : 'Au nom du Führer'. Plus tard, interpellée par le génocide un peu oublié des Roms, elle aura le temps d’achever un autre documentaire de bonne tenue avec 'Ma Bister' ('Souviens-toi'). Et surtout, inlassablement, elle se penche sur l’enfance malheureuse, victime des guerres ou de la violence privée-ce qui lui vaudra le Prix 2014 de la Démocratie.
On le devine : la bibliothèque de Lydia Chagoll est en quelque sorte le reflet de sa personnalité intellectuelle, mais aussi celle de ses pôles d’intérêt culturels (la danse, l’art et les religions…) ainsi que de son parcours personnel.
Particulièrement intéressants pour notre institution s’avèrent ses ouvrages sur les atrocités nippones dans le sud-est asiatique ainsi que sur la guerre du Pacifique, même si le militaria y est très peu présent. De même, il convient d’épingler l’important apport de cette bibliothèque sur les circonstances qui ont entraîné le génocide des Tsiganes dans l’Est européen et en Allemagne, comme les entrées nouvelles relatives au racisme biologique des nazis, même s’il s’agit souvent d’une littérature un peu datée (années ’80 et ’90 du siècle dernier). Enfin, on soulignera la qualité de l’apport livresque concernant la peinture en tant que reflet d’une époque : la 'bibliothèque Chagoll' conservait en effet bon nombre de titres s’intéressant au surréalisme, aux « avants-gardes » ainsi qu’ au réalisme soviétique et, en général, à l’art des pays (dits) « totalitaires ».
Si on ajoute à cela l’une ou l’autre étude ponctuelle sur la thématique de l’ 'Enfant et la Guerre', on aura une esquisse de la valeur culturelle de cet apport pour notre Centre.
Et avant de prendre congé, nous n’oublierons pas de tirer notre chapeau et de dire : « Merci Mme Chagoll » … et merci aussi à la Fondation Roi Baudouin, qui a facilité la transmission de ce legs !