Il y a 75 ans - La naissance de la Fédération générale du Travail de Belgique
Les 28 et 29 avril 1945 se tient à la Maison du Peuple de Bruxelles le congrès de fusion de la Confédération générale du Travail de Belgique, de la Confédération belge des Syndicats uniques, du Mouvement social unifié et du Syndicat général des Services publics. La nouvelle structure devient la Fédération générale du Travail de Belgique. Ce congrès s’inscrit dans la logique des bouleversements que le monde syndical a connus durant la guerre et constitue l’aboutissement des longues discussions menées depuis la Libération par les différentes tendances.
Si l’attaque allemande du 10 mai 1940 a provoqué la dispersion des responsables syndicaux, passées les premières semaines d’occupation, certains leaders syndicaux sont rentrés en Belgique et ont poursuivi leurs activités, notamment en matière de paiement des allocations de chômage. Mais, dans les milieux syndicaux, comme ailleurs, l’été 1940 va marquer les esprits. A l’automne 1940, une nouvelle CGTB, marquée par l’air du temps, semble répondre aux sirènes du corporatisme. C’est ainsi qu’en novembre 1940, voit le jour, sous la houlette d’Henri De Man, le dernier président en date du Parti ouvrier belge, l’Union des Travailleurs manuels et intellectuels (UTMI). La nouvelle structure – qui correspond aux souhaits de l’occupant - réunit, sur papier tout au moins, l’ensemble des organisations syndicales. Même si elle va rapidement s’étioler, l’UTMI n’en restera pas moins la première organisation de collaboration en termes de nombre d’affiliés.
Une résistance syndicale s’organise rapidement tant du côté chrétien que du côté socialiste entraînant la création, dans la clandestinité cette fois, d’autres structures. Les Comités de Lutte syndicale, de tendance communiste, sont à l’origine de nombreuses actions de grève et de sabotage dans les bassins industriels wallons. Ils éditent également de nombreux journaux clandestins. En province de Liège mais aussi dans le Hainaut, la personnalité d’André Renard marque les esprits. Rentré très diminué en mai 1942, après avoir été détenu durant deux ans comme prisonnier de guerre, il est à l’origine du Mouvement syndical unifié, qui plaide notamment pour un mouvement syndical indépendant des partis politiques.
Bref, à la Libération, le monde syndical de gauche n’est plus ce qu’il était à la veille de la guerre. De nouveaux équilibres doivent être trouvés. Certains rêvent d’un mouvement syndical unique qui réunirait l’ensemble des courants mais tant les chrétiens que les libéraux s’y refusent.
Les quatre organisations qui fusionnent représentent donc la gauche syndicale. En termes d’affiliés, avec ses 248.259 membres, la CGTB reste la plus importante, la Confédération belge des Syndicats uniques165.968 membres, le courant renardiste 59.535 et le Syndicat général des Services publics 51.769. Chaque instance souhaite être représentée au sein de la nouvelle FGTB, ce qui ne va pas sans grincement de dents, certains s’estimant injustement représentés compte tenu de leur nombre d’affiliés. Tout est affaire de compromis et dans les déclarations de principes, chaque mot est pesé. Des questions se révèlent particulièrement sensibles comme l’interdiction du cumul des mandats politiques et syndicaux – une courte majorité l’emporte mais la mesure n’entrera en vigueur qu’après les élections suivantes. La nouvelle organisation se veut aussi indépendante des partis politiques. Là aussi c’est un grand changement lorsqu’on se souvient qu’avant-guerre, la CGTB était partie intégrante du Parti ouvrier belge, sur base d’un système d’affiliation collective. Le nouveau Parti socialiste belge repose désormais sur un système d’affiliation individuelle. Mais tous les problèmes ne sont pas résolus pour autant. Ainsi, les liens avec les mutualités doivent également être redéfinis. Plus question de contraindre les membres de la nouvelle FGTB d’être affiliés aux mutualités socialistes.
Bref, un congrès de compromis mais qui porte l’héritage des bouleversements suscités par la guerre. La nouvelle FGTB est officiellement lancée à l’occasion des festivités du 1er mai 1945.
Si vous voulez en savoir plus, le CegeSoma/Archives de l’Etat conserve de nombreux fonds sur le syndicalisme clandestin. Les journaux clandestins peuvent être consultés sur le site https://warpress.cegesoma.be/.
Chantal Kesteloot