Un antisémitisme ordinaire. Enquête sur les pratiques policières à Cureghem.
Avant les années 1930, l'élite politique et intellectuelle belge ne prône pas d'idées antisémites. L’antisémitisme est-il pour autant inoffensif en Belgique ?
À travers une enquête originale, Yasmina Zian dévoile les mécaniques de criminalisation des juifs par la Police des étrangers entre 1880 et 1930. Cette criminalisation est envisagée comme un racisme institutionnel engendré par la banalisation de stéréotypes judéophobes et interroge les pratiques et représentations de la Police des étrangers.
Son enquête se base plus spécifiquement sur la surveillance exercée sur les étrangers juifs de Cureghem. Fortement stigmatisé, le quartier de Cureghem est identifié comme juif, pauvre et étranger par les forces de l’ordre. Par conséquent, les juifs de Cureghem sont plus susceptibles d’être la cible de surveillances en fonction de la criminalisation dont ils font l’objet et qui varie selon les stéréotypes de l’époque et leur appartenance de classe, leur nationalité, leur genre, leur « race » et leur lieu d’habitation.
Illustré par différents récits de vie d’étrangers, cet ouvrage met en lumière les trois figures criminelles du juif étranger qui préoccupent la Police des étrangers : le « juif colporteur », le « judéo-boche » et le « judéo-bolchevique ».
La Conférence-débat s'est tenue au cegeSoma le 22.11.2023. Yasmina Zian était interviewée par Bruno Benvindo.
Yasmina Zian est docteure en Histoire. L’ouvrage ‘Un antisémitisme ordinaire. Représentations judéophobes et pratiques policières (1880-1930)’ est le fruit de ses recherches doctorales. Après avoir effectué une recherche postdoctorale à l'Académie royale de Belgique sur la restitution du patrimoine culturel issu du contexte colonial, elle a, en tant que lauréate de la bourse d’excellence de la confédération suisse, effectué une recherche au Swiss Forum for Migration de l'Université de Neuchâtel. Elle a ensuite suivi une formation en recherche de provenance au Musée d'ethnographie de Neuchâtel. Depuis juin 2023, elle travaille au C²DH (Université de Luxembourg) sur la spoliation des biens juifs pendant la Seconde Guerre mondiale au Luxembourg.
Bruno Benvindo est historien. Il a travaillé comme chercheur à l’Université libre de Bruxelles, puis au Centre d’Études et de documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CegeSoma) où il a notamment publié ‘Henri Storck, le cinéma belge et l’Occupation’ (2010) ainsi que ‘Décombres de la guerre. Mémoires belges en conflit, 1945-2010’ (2012, avec Evert Peeters).
Il est aujourd’hui directeur des expositions au Musée Juif de Belgique, où il met en place un programme d’expositions interrogeant les croisements entre art et histoire au 20e siècle.