Il y a 75 ans - Le 1er mai de la Victoire
Pour la première fois depuis 1939, des cortèges sillonnent les principales villes du pays à l’occasion du 1er mai. En 1940, dans le contexte de la « drôle de guerre », les défilés avaient été annulés et le contexte international avait clairement transformé la journée en « 1er mai de guerre » comme on pouvait le lire sous la plume du socialiste Louis De Brouckère dans Le Peuple. Certes, le 1er mai 1945, la guerre n’est pas encore finie mais ce n’est plus qu’une question de jours : Hitler s’est suicidé la veille et Berlin tombera le lendemain. Les termes de « 1er mai de la Victoire » que l’on retrouve dans plusieurs quotidiens sont donc le reflet de la situation militaire. Une semaine plus tard, l’Allemagne capitule.
Mais en ce 1er mai 1945, les cinq années de guerre sont bien entendu encore dans tous les esprits. Durant l’occupation, la presse clandestine de gauche – tant socialiste que communiste – n’a pas manqué d’en appeler à la lutte à chaque 1er mai, exhortant ses lecteurs à résister, à travailler plus lentement, voire à saboter la production, à ne pas se soumettre au travail obligatoire ou même à se mettre en grève. Des numéros spéciaux aux tirages exceptionnels ont été diffusés. Mais la presse censurée évoque elle aussi, avec faste et en une, la fête du Travail… débarrassée bien entendu des enjeux de lutte et replaçant la cérémonie dans une glorification morale du travail comme symbole d’ordre. Le 1er mai, c’est aussi le muguet, symbole apolitique par excellence, qui est mis en exergue.
Malgré une météo plutôt fraîche et des averses, ce sont plusieurs dizaines de milliers de travailleurs qui descendent dans les rues. Le 1er mai n’étant pas encore un jour férié légal – il ne le deviendra qu’en 1947 – il faut attendre la fin de la journée pour voir plusieurs cortèges s’ébranler. A Bruxelles flottent bien sûr une grande majorité de drapeaux rouges mais on y voit également çà et là quelques drapeaux bleus ainsi qu’une délégation de rescapés du camp de concentration de Buchenwald qui viennent tout juste d’être rapatriés. En ces derniers jours de guerre, le tribun socialiste Louis De Brouckère salue tant Churchill et Roosevelt que Staline tout en rendant hommage aux travailleurs et aux résistants qui ont contribué à la « défaite décisive du fascisme en Allemagne et en Italie ». De toutes parts, on espère une ère nouvelle. On « sent revenir la vie » écrit Le Soir et l’on souhaite créer « un monde meilleur, plus juste, plus heureux, un monde d’où seront bannies la misère et l’oppression ». Des revendications plus politiques sont également formulées notamment sur le plan salarial ou en matière de répression de la collaboration économique. Mais le ton reste modéré : tant les socialistes que les communistes sont en effet associés au pouvoir et la gauche gouvernementale exhorte au travail pour redresser le pays…Le Premier Ministre n’est autre que le socialiste Achille Van Acker. Une vague de grèves éclate pourtant quelques jours plus tard dans les bassins charbonniers de Wallonie. D’autres enjeux ne manqueront pas de s’imposer en ces derniers jours de guerre : la question du retour du roi mais aussi une nouvelle vague de colère contre des collaborateurs ou supposés tels à l’heure des premiers témoignages de déportés.
Si vous souhaitez en savoir plus sur les Ier mai de guerre, consultez la presse via https://warpress.cegesoma.be/. Pour la période d’après-guerre, rendez-vous sur https://www.kbr.be/fr/belgica-press/.
Chantal Kesteloot